Bokor

Les premiers pas de Bokor sur cette terre sont antérieurs à ceux de Maera et Velkhan. Et ils furent tout aussi tragiques.

Tout le monde sait que les dragons travaillent toujours en équipe, alors pourquoi n’a-ton jamais parlé de la compagne de Bokor ?

Parce qu’elle est morte. Une banale attaque cardiaque alors qu’elle était seule à un bout de la planète, en train d’observer divers phénomènes géologiques. Aucune magie n’a pu la sauver, personne n’était là pour entendre ses derniers râles.

Même pas Bokor.

Quand il a découvert son cadavre, sa peine ne fut pas immense mais son désarroi profond. Après tout, les dragons ne sont souvent ensemble que pour des questions d’intérêt. Seul, il ne pouvait pas absorber la mana de cette jeune planète trop instable sans risque d’y passer. Il se résolu donc à tenter le tout pour le tout, absorber ce qu’il pourrait et repartir à la recherche d’une planète qui pourrait lui être plus favorable.

Il abandonna le cadavre de son épouse en pleine décomposition au milieu d’êtres en devenir. Leur développement aurait-il été différent sans cela ? Nul ne peut le savoir. Certains disent que les mêmes causes produisent les même effets mais peu de mondes ont dû avoir l’apport du matériel génétique d’un dragon au cours de leurs formation.

En chemin, au beau milieu d’un nulle part spatial comme il y en a tant, il rencontra deux dragons de sa connaissance : Velkhan et Maera. En bon survivant, il leur vendit la position d’une planète bourrée de mana contre un peu de celle qu’ils transportaient. Et repartit à la chasse à la mana, se nourrissant de rebuts spatiaux , astéroïdes, comètes et autres corps célestes sans importance.

Mais ses réserves étaient toujours aussi basses et il ne put jamais envisager de s’éloigner de notre monde. Il errait en quête d’astéroïdes suffisamment gros pour contenir assez de mana pour lui permettre d’aller jusqu’au suivant. Et il le vit. Il vit Velkhan partir. Seul. Deux dragons ne se séparent jamais, il avait dû lui arriver la même mésaventure. Donc la planète était disponible pour tenter le tout pour le tout. Et s’il devait mourir, au moins, ce serait en beauté.

Et se trouva sur une planète remplie d’une trentaine de dragons dégénérés. Il voulut repartir au plus vite mais Maera l’aperçut et lui proposa le marché que l’on sait. Pragmatique, il accepta.

Il engrossa alors la demoiselle esseulée et se servit d’une part de gâteau avant de repartir à la recherche d’un monde qui pourrait les accueillir, lui, sa compagne et leur descendance.

Seul petit souci, sa réserve de mana n’était tout de même pas très grande. Il n’avait pas pu pomper la mana de la terre sans quoi il aurait été découvert par une multitude de petits dragons qui allaient faire sa fête à leur mère peu de temps après. Il continua en fait son errance pathétique, s’éloignant à chaque fois un peu plus et vidant de leur mana des bouts de cailloux sans importance.

A l’heure actuelle, Bokor est dans une merde noire. Au cours de ses pérégrinations, il a retrouvé ses créateurs à bord de gigantesques vaisseaux qui parcourent la galaxie en quête d’une planète à habiter, d’habitants à dévorer et à asservir, de serfs à torturer sans fin. Et de dragons à massacrer.

En fait, c’est devenu une sorte d’obsession chez eux. Ils cherchent par tous les moyens à retrouver la trace de Bokor pour lui faire rendre grâce. IL faut dire que même après plusieurs centaines de générations, après que leur race ne soit plus devenue que l’ombre d’elle-même, le souvenir des dragons ne s’est pas éteint.

Et pour améliorer un petit peu le tableau, il n’a même pas trouvé de source de mana. S’ils doivent quitter la terre, ce sera pour un voyage sans filets. Un voyage qui pourrait bien être le dernier.

Et ça, il n’est pas prêt de l’accepter.