Le Fluide (par S. Bura)

La Genèse

Pratiquement tous les mythes s’accordent sur ce point : au début, il n’y avait rien. Et puis, sous l’impulsion de formidables forces cosmiques (Dieux / Principes élémentaires / Erreurs de Programmation), le monde (l’Univers / le Multivers) fut créé. Ces forces ont imposé au monde un ordre appelé Nature. Mais toutes les forces présentes n’ont pas été intégrées dans cette nature L’énergie résiduelle des « forces » de ce « Big Bang » est encore perceptible dans le monde. Ces forces ont tendances à modifier la Nature (puisqu’elles n’en font pas partie) et ceux qui arrivent à les contrôler obtiennent ce terrible pouvoir. Les sages ont donné un nom à cette capacité de violer les lois de la Nature : la Magie !

On l’a bien compris, la Magie dont il est question ici est celle des grimoires poussiéreux et des forces occultes, pas celle des autels sanglants ou autres pouvoirs mystiques accordés aux mortels par les Dieux. Ces derniers influencent la nature car ils en sont les créateurs tandis que les premiers la corrompent, la souillent. Il est établi qu’un acte magique est intrinsèquement « contre nature ». Dont acte.

COMMENT CA MARCHE ?

L’énergie résiduelle dont nous parlons est celle dont vont se servir les magiciens pour alimenter leurs sorts. Appelons-la (selon une terminologie commune) FLUIDE. Si ce Fluide est résiduel, il n’en est pas moins persistant puisque présent dans le monde depuis la nuit des temps. Cela signifie que, malgré le rôle mineur qu’il a joué lors de la genèse, il possède suffisamment de puissance pour résister à l’anéantissement. Comme la Nature, le Fluide doit « soigner ses blessures ». C’est donc une force qui a priori, durera tant que le monde existera. Réconfortant pour les magiciens, non ?

Donc le Fluide est présent dans le monde, mais sous quelle forme ?

Le plus souvent, il est réparti de manière uniforme dans l’environnement et donc en faible quantité (sinon il supplanterait la Nature). Chaque magicien possède une certaine capacité à absorber ce Fluide, à en former une réserve à l’intérieur de son corps (dans la région du ventre selon des sources autorisées). Dans le jeu, cette capacité (littéralement) dépend de l’expérience ou des caractéristiques du personnage et est quantifiée généralement sous la fore d’un nombre die sorts mémorisables, de Pouvoir, de Rêve ou d’Esprit… Le Fluide emmagasiné porte le nom de points de Magie, Points de Sorts… Comme le magicien doit tirer ce Fluide de son environnement, on comprend que cette méthode prenne du temps (dans tous les JDR), du fait de sa rareté.

Le magicien, depuis le début de son apprentissage, est entraîné à reconnaître la présence du Fluide. Il y devient peu à peu sensible et est capable de discerner sa « concentration » autour de lui. Dans un lieu moins chargé, il disposera de moins de Fluide pour ses sorts et donc de moins de puissance, l’inverse étant vrai.

Il existe en effet deux manières de lancer un sort. Soit l’on dépense le Fluide que l’on a stocké en soi, soit l’on manipule le Fluide ambiant. D’un point de vue comptabilité (Points de Sorts, etc…), cela ne fait pas la moindre différence : le magicien dépense quand même le Fluide pour opérer la magie. En effet, quand il lance les sorts les plus sorts les plus puissants, il ne dispose pas (quel que soit son pouvoir) d’assez de Fluide en lui pour les alimenter. Le Fluide qu’il dépense provoque une réaction dans le Fluide ambiant qui Lui produit (généralement) l’effet escompté. Ceci signifie que les sorts les plus importants requièrent la manipulation du Fluide ambiant. Au contraire, les sorts qui modifient peu la Nature nécessitent moins de Fluide et celui-ci peut être directement puisé dans la réserve du magicien. On verra que si la différence semble formelle (les deux méthodes donnent le même résultat), il n’en est rien…

SUIVEZ LE FLUIDE

On a bien vu que le Fluide se trouvait le plus souvent de manière diffuse. Mais si cela était l’unique façon de le trouver, il serait impossible d’en avoir assez à un endroit donné pour pratiquer les sorts les plus terribles ou les enchantements les plus ignobles. Fort heureusement, le Fluide a tendance à s’agglutiner en Veines le long desquelles il suit un cours paisible. Un magicien ne peut manquer de remarquer la présence d’une veine à proximité. Ses poils se hérissent et il ressent un chatouillement annonciateur lorsqu’il se rapproche d’un de ces canaux à fluide. Le plus souvent, les veines épousent le relief et affleurent en surface, mais on peut en trouver certaines dans le ciel ou plongeant sous terre. Elles ne sont visibles que pour un l’œil exercé et semblent être d’une couleur inconnue. Leur diamètre est extrêmement variable (de quelques millimètres à quelques kilomètres). A proximité immédiate d’une Veine, le temps de « recharge » d’un magicien est considérablement réduit (du3/4 à 1/16 selon la taille). On conçoit alors aisément que la première préoccupation d’un magicien un peu expérimenté et désireux de pratiquer la magie efficacement est de trouver une veine de Fluide et de construire son laboratoire dessus. Et c’est encore mieux s’il découvre un croisement de plusieurs veines ! Il y a cependant un inconvénient majeur à cette façon de faire qui provient de l’inimitié (incompréhensible) qui existe entre le bon peuple et les magiciens. Car en effet, si un magicien peut suivre une veine, un assassin bien entraîné le peut aussi. C’est sans doute pourquoi les Méchants Magiciens construisent leurs Tours Noires sur des veines situées dans des endroits difficilement accessibles et remplis de montres (montagnes escarpées, marais puants…).

Il existe enfin une dernière Manifestation du Fluide, sous sa forme la plus sauvage, la TACHE. Une tâche de Fluide se forme à un endroit où une magie particulièrement puissante a opéré (un combat d’archimages, par exemple). Une quantité telle de Fluide a été concentrée, que la Nature ne s’en est toujours pas remise. Ainsi, à cet endroit, ses règles ne sont plus respectées. Le mot ’probabilité’ n’a pas de sens en un tel lieu où, semble-t-il, des événements d’ordinaire impensables sont monnaie courante. Les arbres peuvent parler, les pièces retombent sur leur tranche, les autres se remplissent d’encre ai les joueurs émettent des Idées intelligentes. Il convient de fuir au plus vite d’une tâche. Le Fluide d’une tâche n’est pas utilisable. Il est incontrôlable.

MAGIE ET AVENTURE

Alors que le mage sédentaire se satisfait de sa veine et de ses cornues, le mage aventureux recherche autre chose (fortune / connaissance / problèmes...). Mais il est bien évident que les chemins qui le conduiront à son but ne vont pas être bordés de vaines de Fluide ! Le pauvre aventurier aura le plus souvent recours au Fluide ambiant et pour peu que celui-ci se fasse rare, il se peut qu’il regrette amèrement ses cornues. Imaginez en effet que notre magicien se ronde dans une région dépourvue de Fluide. Non seulement il ne devra compter que sur la Fluide qu’il a en réserve mais en plus il ne pourra pas jeter de sorts puissants, ceux qui nécessitent une Manipulation du Fluide ambiant. En graduant la présence du Fluide, la MJ peut donc à loisir déterminer la puissance maximale des sorts ensables dans une zone donnée, Quelques orques ont l’ait bien plus menaçants quand une pluie de boules de feu ne les attend pas au bout du couloir, Les créatures intelligentes et susceptibles de s’attirer des ennemis (dragons et autres) prendront bien soin d’établir leur repaire dans une région faible en Fluide pour tenir les magiciens au loin et surtout réduire leur efficacité de près ! Le magicien dans de telles circonstances doit savoir se montrer économe en Fluide et fin stratège. Du fait qu’il est sensible aux variations du Fluide, le MJ ne devra pas abuser de ce système en lui annoncent en plein milieu d’un combat qu’il sa trouve dans une zone pauvre en Fluide et que son sort ne fonctionne pas. Mais trop de précision nuit. La magicien peut ’estimer’ la quantité de Fluide disponible et donc évaluer la puissance des sorts qu’il peut lancer, en se trompant d’un ou de deux degrés (niveau 1 points de sorts) Il faut se rappeler que la fait que le sort fonctionne ou pas n’a rien à voir avec la dépense de Fluide qui, elle, a toujours lieu. Il faut parfois prendre des risques. Imaginez le soulagement d’un magicien en mal de Fluide qui au plus profond d’un ’donjon’ découvre une petite veine à laquelle il peut s’alimenter. D’un autre côté, si la région dans laquelle se trouve le magicien est extrêmement chargée en Fluide, Il aura accès aux sortilèges les plus puissants et récupérera plus vite son pouvoir. Il est fort probable que même ses sorts les plus simples auront une plus grande efficacité. Ces endroits sont propices aux batailles épiques entre opposants formidables qui, le plus souvent, sont là parce qu’ils utilisent eux-mêmes la Magie...

MAGIE ET OBJETS

Ah ! Les objets magiques ! Tout aventurier rêve d’en posséder une belle collection. Comment fonctionnant donc ces merveilles ? Et bien c’est tout simple. Enchanter un objet, c’est lui permettre de stocker de manière fugitive (objets ’à charges’) ou permanente (ex : épée donnant des bonus au combat) une réserve de Fluide, Lorsque l’enchantement se traduit par un effet qui modifie UNIQUEMENT LA NATURE DE L’OBJET, cette magie est applicable partout, puisqu’elle fait dorénavant partis intégrante de l’objet C’est le cas pour la résistance ou l’efficacité d’une arme magique ou pour une potion (l’effet magique s’achève une fois la potion faite, le reste est une question de réaction avec le métabolisme du buveur).

Si l’objet produit un effet sur TOUTE AUTRE CHOSE QUE LUI-MEME, sa magie est soumise aux mêmes restrictions que celle des magiciens. Par exemple, un anneau d’invisibilité n’aura jamais aucun mal à se rendre invisible, mais son porteur ne la sera que s’il y a assez de Fluide présent pour qu’un sort d’invisibilité entre en action. En ce qui concerne les variations du Fluide des objets, cela change d’un système de jeu à un autre, mais mon Conseil (pour éviter les abus) est que vous traitiez les objets comme des magiciens - ils ont un nombre de ’points de sorts’ maximum et se rechargent en emmagasinant le Fluide ambiant. Il existe cependant des objets particulièrement performants (et donc particulièrement rares qui se rechargent très vite (voire instantanément) Pour peu qu’il y ait suffisamment de Fluide. Il y en a même qui possèdent une réserve si importante de Fluide qu’ils sont capables d’en tirer l’énergie nécessaire à leurs sorts et peuvent donc être utilisés dans des zones sans Fluide. Mieux vaut en limiter le nombre de peur de rendre inutile un magicien faillible alors qu’un objet ferait le même travail... et à coup sur en plus ?

Parfois, la dose de Fluide reçue par un objet est telle que des effets similaires à ceux d’une tache peuvent être observés. D’aucuns prétendent avoir entendu des épées parler. On dit même que certains vieux grimoires sont tellement pleins de fluide du fait des sortilèges qu’ils contiennent, que parfois ils s’amusent à les lancer eux-mêmes... Mais tout cela ne me semble pas très crédible.

MAGIE ET MONSTRES

Comme il a été dit précédemment, la densité du fluide n’est pas indifférente aux créatures que les aventuriers malveillants appellent monstres. Beaucoup y sont sensibles et choisissent leur lieu de villégiature selon qu’ils possèdent plus ou moins de pouvoir, craignent plus ou moins la Magie. Les tribus nomades comprenant des shamans ou sorciers influents ont tendance à suivre des veines. Les Tâches sont très prisées par les lutins, farfadets et autres esprits malins. Les démons sont des êtres terrifiants qui sont capables de puiser directement dans les forces primordiales du Monde et, par la même, sont toujours chargés d’une quantité énorme de Fluide. Cela leur donne la possibilité de lancer leurs sorts en toutes circonstances et fournit une raison supplémentaire de les éviter. Enfin, certaines créatures dépendent tellement des forces primordiales ’naturelles’ quelles repoussent le Fluide. Quand elles se regroupent, la Fluide disparaît des environs de leur repère. Il va sans dire que la magie a peu d’effet sur elles.

MAGIE ET ANGLAIS

Si vous voulez vous documenter sur ce sujet en passant quelques heures très agréables, je vous conseille la lecture des ouvrages suivants :

  • Mythadventures et suivants de Robert Asprin.
  • The Colour of magic et suivants de Terry Pratchett (Sorry pour les anglophobes qui devront attendre une éventuelle traduction.)

Le mois prochain, suite et fin de l’article avec des règles détaillées pour adapter la Magie des Fluides à AD&D.

Stéphane Bura