Mc Keenan & Dodge : l’arme ultime

Il y a très longtemps (dans les années 1980-90), vivait dans une ville appelée Los Angeles un technicien de surface (un homme de ménage, quoi !) du nom de Mike McNulf. C’était un homme gentil et simple, mais ce n’était pas un simple technicien de surface comme les autres : il travaillait dans les laboratoires de recherches magiques de la Mc Keenan & Dodge.

Un jour, sa société embaucha Josépha Martinez en tant que technicienne de surface, dans la même équipe que Mike. Josépha était pauvre et d’origine mexicaine. Mais elle était belle. Et malgré les différences sociales qui séparaient ces deux êtres, ils tombèrent follement amoureux. Ce fut littéralement le coup de foudre. La société encouragea leur mariage, partant du principe (comme pas mal de sociétés) qu’il valait mieux que les employés travaillant dans des secteurs sensibles se marient entre eux. Comme cela faisait plaisir à tout le monde (sauf au père de Josépha), c’est dans une grande et belle cérémonie que les deux tourtereaux convolèrent. Six mois plus tard naquit de cette heureuse union la petite Lourdes McNulf. Une charmante enfant avec les yeux noirs de sa mère et la bêtise (heu. . . la simplicité !) de son père. Et la vie continua son chemin.

Trois ans après cette délicieuse naissance, alors que Josépha faisait ses courses dans le Supermarket du coin, voilà-t-il pas que Lourdes, qui l’accompagnait, désigna un inconnu du doigt en disant : « Maman, maman, elfe ! ». Josépha, qui elle n’était point sotte (heu. . .simple !) et qui travaillait dans un milieu propice, comprit immédiatement ce qui se passait : « Sa fille était capable de reconnaître les êtres magiques malgré les déguisements humains qu’ils revêtissaient. »

Elle fit un rapport à un scientifique du laboratoire avec lequel elle couchait en secret depuis trois mois, et ensemble, ils signalèrent l’étrange événement au chef du labo. Après enlèvement et autopsie de l’étrange inconnu que la gentille Lourdes avait repéré, cela s’avéra probant : un enfant en bas âge pouvait reconnaître un être magique mieux que tous les détecteurs existants.

L’information remonta aux plus hautes sphères de la Mc Keenan & Dodge. Et là, le projet « Brigade des Enfants » fut lancé sous la direction de Josépha McNulf (qui divorça deux mois plus tard) et de son amant (avec qui elle se maria trois mois plus tard). Mike est encore technicien de surface, mais il est devenu chef d’équipe.

Le projet « Brigade des Enfants » fut un projet de grande envergure, d’une dimension mondiale, mais qui en fait ne coûta quasiment pas un rond à l’entreprise (ce qui est probablement la raison pour laquelle il fut si facile à mettre en place).

On utilisa les crèches d’entreprise déjà existantes pour les employés de la Mc Keenan & Dodge et aussi les maternelles privées qui étaient financées largement par l’entreprise. En fait la seule véritable différence fut que l’on habitua les enfants, dès le plus tendre âge, à considérer les êtres magiques comme des créatures normales. Dès le berceau, les parents participant au projet offraient des peluches à leurs enfants, il y avait le Chien, l’Ours, la Girafe, le Dragon Rouge et le Fantôme. Ensuite, à l’âge où l’enfant commençait à ouvrir des livres d’images, il voyait la Souris, le Chat, le Brownie, le Cheval et la Licorne. Et ainsi de suite. Les programmes scolaires (si on peut dire ça en crèche) accentuaient les activités autour des créatures magiques et des légendes. Le soir, à la maison, au lieu que l’enfant s’avachisse devant la télévision, l’entreprise encourageait la politique du Conte avant de s’endormir. Dans les cas extrêmes, elle produisit même des films d’animations et des jeux vidéo centrés sur les êtres magiques (mort aux TéléTobbies !). Bien évidemment, pour éviter toute contagion mal venue, les enfants ne fréquentaient que peu les enfants ne participant pas au programme. Le résultat de ce projet fut que les enfants du programme considéraient les êtres magiques de la même façon que tout autre animal, et ils ne faisaient pas la différence entre la réalité et la légende. C’est la raison pour laquelle les enfants appartenant à la « Brigade des Enfants » perdent leur capacité de voir les êtres magiques vers l’âge de sept ans au lieu de cinq. Ils finissent quand même par être contaminés par la vie de tous les jours et ils ne sont pas suffisamment isolés pour permettre de garder cette ouverture d’esprit au-delà des sept ans.

Ensuite, une autre grande différence, c’est que les êtres magiques sont présentés aux enfants comme des créatures gentilles, qui apportent le bonheur, mais qu’elles sont très timides. Si on leur montre qu’elles ont été vues, elles disparaissent. Un peu comme le Père Nöel ou la Petite Souris. Aussi, les enfants sont-ils dressés (heu. . .élevés !) à ne pas être démonstratifs quand ils voient une de ces étranges créatures, mais ils doivent secrètement (pour ne pas faire peur à la créature) signaler à leurs parents où elle est et qui elle est. Comme les parents du programme sont très gentils avec leurs enfants (autrement, ils sont abattus par la M&D), à chaque fois que l’enfant leurs désigne un être magique de la bonne façon (discrètement), il reçoit une récompense (glace, jouet, gros bisous bien baveux, etc.) Autant dire, qu’à la différence de la plupart des parents normaux dont un enfant leur dit des bêtises et qui lui disent que c’est très bien mais qu’il y a des courses à faire et qu’il ferait mieux de penser à sa Prépa HEC, les parents du programmes encouragent fortement leur gosse à être imaginatif (quitte à se tromper de temps en temps. De plus, les parents reçoivent une prime substantielle pour chaque créature magique dégotée). D’ailleurs la chasse à la créature magique est souvent présentée comme un jeu aux enfants.

Le fonctionnement de la recherche : elle est d’une simplicité enfantine (si j’ose dire). Il suffit que les parents aillent souvent dans des lieux publics avec leur enfant, accompagnés de deux discrets pisteurs. Qu’ils ne le stressent pas et qu’il soit libre d’aller un peu où il veut. Ensuite, une fois qu’une créature est repérée, en général, les parents signalent discrètement le suspect aux pisteurs et ceux-ci se chargent de pister le suspect et de faire l’enquête complémentaire pour une identification plus sûre. Les bugs de la méthode : tout d’abord, elle n’est pas fiable à cent pour cent. Il arrive que des enfants mal conditionnés (heu. . .éduqués !) mentent pour avoir le cadeau. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est vrai, les enfants en bas âge mentent assez souvent pour avoir une récompense. Mais aussi, les enfants ne repèrent pas systématiquement les êtres magiques, il faut quand même qu’ils n’aient pas autre chose à faire (ce qui est rare), et moins la Phase est avancée, moins c’est évident de se faire repérer.

Ensuite certains enfants sont plus farouches que d’autres et le fait de voir une créature peut les effrayer. C’est aux parents à savoir les rassurer et à apprendre à lire les signes que leur enfant à vu un être magique. Par contre, d’autres enfants sont de véritables teignes (heu. . . têtes brûlées !) et ils peuvent très bien se mettre à courir après la créature en gueulant comme un putois (heu. . . en exprimant son contentement !), à lui tirer sur le bas du pantalon ou de la jupe, tout en réclamant à cors et à cris sa récompense. En général, il suffit de quelques coups de ceinturon (heu. . .de le gronder gentiment !) pour qu’il perde cette fâcheuse habitude.

Voici brièvement résumée la terrible arme secrète de la M&D.

Si vous êtes une créature magique faisant tranquillement ses courses, prenez peur si jamais un enfant vous court après et que sa mère ne le gronde pas. La mort rôde ! Evitez les cinémas qui passent les films de certaines compagnies qui exploitent l’imaginaire des enfants. Evitez les parcs d’attractions et les marchands de glace. N’allez jamais dans les magasins de jouets. Attention, une armée de petits monstres vous pourchasse !

Concernant la fréquence et le nombre d’enfants, je vous laisse tout loisir. Mais ne les mettez pas à tous les coins de rue (sauf si vous voulez un monde à la Orwell).

Les enfants détectent-ils les dragons ? Je vous laisse seuls juges, mais je trouve amusant de répondre par l’affirmative.