Ne pas fourrer son nez chez une hydre

Une tranche de vie d’Henri Robert

Mon histoire finit dans un lit d’hôpital. Mais un bel hôpital, avec des médecins charmants et des infirmières sorties d’une école de mannequins. Mon histoire commença par une invitation de Vermitrax en sa demeure sicilienne. Attention, un voyage grande classe, limousine, chauffeur, avion privé, hélicoptère, petits gâteaux, la totale quoi. Ouais bon, les deux gorilles accompagnateurs n’étaient pas très causants, mais j’ai quand même crevé deux pneus de la limousine avant de décoller et ils ne m’ont frappé. J’adore.

Je suis directement arrivé sur la zone d’atterrissage de la baraque. Encore que baraque, palais conviendrait mieux. Il y avait plusieurs convives sur la pelouse qui m’ont regardé passé avec un drôle d’air. Ils étaient en train de faire un barbecue. Si j’ose dire. J’aurais pu sentir l’odeur de la viande crue à 50 m. Et que du porc ou de l’agneau, fallait croire que même eux avaient peur du dragon fou.

Les deux gorilles m’amenèrent directement dans un bureau. Putain, même pas le temps d’essayer de repérer un quelconque système de sécurité. Par contre le bureau, mazette !! Peu de mobilier, mais en Louis XV, des Modigliani, des Rubens, des Rembrant et même un De Vinci. La pièce en dehors de ça était vide, sauf un bureau, un fauteuil derrière le bureau, un téléphone et surtout un putain d’écran géant comme j’en avais jamais vu. Un petit coup de sonar m’appris que derrière les boiseries, il y avait plein de compartiments et un coffre. Là, les deux bestiaux m’ont gentiment demandé de leur remettre mon par-dessus pleine peau. Aie, d’un coup, sans mon Ingram et mes deux Waguisashis, je me sentais un peu nu. Puis les deux zouaves sont sortis.

Seul dans une grande pièce vide. Mon dieu, que faire ?

L’écran géant attirait irrésistiblement mon œil. Je sortis mon tool de la poche et m’approchais de cette merveille. Songeant déjà comment démonter la façade pour plonger mes petits doigts agiles dans les entrailles de la bête. En cherchant un peu, j’arriverais bien à faire en sorte qu’il y ait une surchauffe après dix minutes de fonctionnement.

Oui !!! bon, j’oubliais un peu où j’étais. Mais putain, un engin comme ça, on ne le trouve pas tous les jours. C’est l’odeur de rance et le bruit de la poignée de porte qui m’ont arrêté dans mon élan.
- Veuillez vous éloigner de cet appareil.- Ho, l’accent rital.- C’était le vieux. Il m’observait du seuil de la pièce. Droit comme un I, dans son costard noir de coupe italienne.
- Excusez-moi, vous connaissez ma nature. Une telle beauté, c’est dur de résister.
- Oui, gremlin, je connais. Mettez vous au centre de la salle, et ne touchez à rien. (Gna-gna).
Force fait loi. Je m’exécutais.
Il traversa la pièce, heureusement que je m’écartais, il m’aurait marché dessus, et s’assit dans son unique fauteuil. Les coudes sur le bureau.
- J’ai une mission pour vous - Tiens tu m’étonnes, pensais-je-. Après avoir discuter avec Wiesarek -merde, il est dans le coup ce vieux salaud - il a orienté mon choix sur un korrigan ou un gremlin pour faire un cambriolage. Ayant déjà travaillé avec votre gestalt, je vous connaît et de plus vous habitez dans la région qui m’intéresse. Donc, c’est à vous que je m’adresse. - Et merde -
- C’est un honneur.
- Avant je vous rappelle que quand j’ai choisi votre équipe pour être des représentants du conseil, quand je le présidais, j’ai fait une enquête poussée sur qui vous étiez. C’est ainsi que j’ai appris les natures de chacun et vos activités professionnelles. Un voleur gremlin, un tueur à gage minotaure, un garde du corps centaure, un financier gargouille affilié à l’IRA, un légionnaire gnome et un dragon noir. Rien de bien éloquent, non ?
- Euhhh, oui. C’est pourquoi un cambriolage me semble bizarre comme mission, je verrai plutôt un massacre.
- C’est vrai, mais je sais quelques secrets sur vous. Je sais que....et bla et bla - je connais mieux nos états de service que toi, l’ancêtre- ...qui vous ont amenés à avoir des services de différentes familles, de puissants tatouages, ainsi que certaines immunités. Mais je sais aussi...et bla et bla... - Accouche-...votre discrétion...et bla et bla. Pour éviter l’endormissement, je glissais discrètement et lentement vers le poste géant.
- ....vous avez travailler avec des technomanciens et....- là j’ai marqué un temps d’arrêt, s’il est au courant de ça, de quoi d’autre encore.- Et puis merde, cause, l’écran est trop beau.
- Revenez au centre de la pièce -ça va pas la peine de gueuler- ...c’est pourquoi je vous ai choisi.
- Ah !
- Vos connaissances en matière de cambriolage, en histoire et celles sur les œuvres d’art seront indispensables.
- Euh, pardon mais mes coéquipiers sont plutôt une force de frappe.
- M’avez-vous écouté ? -pas vraiment- je n’ai besoin que de vous.
- C’est un honneur, mais nous sommes un gest...
- De vous seulement ! Si vous les voulez en soutien, libre à vous.
- Bien, que dois-je faire ?
- Mon frère Jichin trafique des objets d’art sur Marseille. Or c’est mon territoire. Je souhaite que vous rentriez dans un entrepôt, que vous preniez les plus belles pièces et que vous cachiez des émetteurs sur les autres pièces.
- Bien. Mais si c’est chez vous, pourquoi vous ne faîtes pas une démonstration de force ?
- Normalement, c’est ce que je ferais. Vous ne le savez sûrement pas, mais Jichin est depuis peu le chef du conseil -bien sur que je le sais, abruti- et toute action armée contre lui serait mal vue. Surtout avec sa mentalité de samouraï -et toi, tu te passes le Parrain en boucle- il faut que cela est l’air d’un simple cambriolage. Les émetteurs me permettront de suivre sa filière.
- Euh, oui ! mais il n’y a pas des truc comme des Ecailles ou des Langues pour la surveillance.
- C’est votre problème.
- Bien
- C’est tout. Voici l’endroit où joindre un de mes enfants à Marseille. Il servira de contact et fournira le matériel dont vous aurez besoin. Au revoir.

Je les retiens tes aux revoirs. C’est comme ça que continua l’histoire qui m’amena à l’hôpital. Deux semaines plus tard, j’étais dans l’entrepôt. Mission facile, pas de système de sécurité, pas de gardien visible, des serrures faîtes pour être violées. Le panar quoi ! Les œuvres d’art étaient pourtant bien là. Un vrai mystère. La seule chose qui me gênait, c’était cette odeur de charogne persistante. Vous savez les gremlins ont l’odorat très fin, et là, c’était limite supportable. Curieux, je suivis la piste de cette odeur jusqu’à une mauvaise caisse en bois. C’était pas possible, ils conservaient des cadavres ou quoi ? Arrivé environ à un mètre de la caisse, j’entendis une personne remuer et surtout une odeur abominable. Vraiment abominable.

Après je ne sais plus trop ce qu’il s’est passé. Je me souviens vaguement d’une forme, et une seule, éclatant la caisse. Il y eut plusieurs voix :

Qui nous réveille ? Je veux les yeux. Gardez moi le foie. Moi une cuisse. Silence, j’essaye de dormir

Ensuite, c’est la grande gerbe. C’est vaseux et complètement suffoqué que je m’enfuis par un vasistas trop petit pour moi. Je ne me rappelle de rien d’autre. Le petit fils rouge m’a dit qu’il m’avais trouvé à poil à un kilomètre de l’entrepôt, sérieusement mordu et griffé. Heureusement que j’avais ma carapace naturelle et mes tatouages, autrement j’y serais resté. Voilà, c’est comme ça que finit mon histoire qui m’amena à l’hôpital. Aux frais de Vermithrax, grand seigneur. Il s’était trompé de dragon, ce n’étaient pas les asiatiques, mais les hydres. Après, savoir ce que font les hydres dans la contrebande d’art, ce n’est heureusement pas mon problème.